Guinée : la liberté d'expression et de la presse en pleine tempête !
Le mois de mai a été très épouvantable pour la presse guinéenne mais aussi pour la liberté d'expression dans le pays. Depuis plusieurs années, c'est le mois où les journalistes ont rencontré plus de difficultés.
Cette tempête a commencé à l'approche des manifestations appelées par les Forces vives de Guinée (FVG) pour les 17 et 18 mai dernier à Conakry et dans le reste du pays. A partir du lundi 15 mai, l'accès aux principaux sites internet d'informations guinéens a été limité, parfois même rendus inaccessibles.
Le 17 mai 2023, une journée noire pour la liberté de presse !
Des journalistes agressés et les réseaux sociaux censurés simultanément. Le 17 mai, deux journalistes ont été agressés par un militaire à Bambeto dans la commune de Ratoma. Il s'agit de Aliou Maci Bah du site Laguinee.info et Mamadou Macka Diallo, du site Guinee114.com. Ces deux confrères à bord d'une moto sont sortis pour faire le constat de la manifestation appelée ce jour-là par les FVG. Arrivé à Bambeto, les militaires leur ont dit qu’il « n’y a pas de manifestation ce jour ». Un autre militaire leur a ordonné de quitter les lieux, le tout avec avec des injures et menaces de percer le pneu arrière de leur moto, selon les témoignages recueillis auprès des journalistes. Aliou Maci Diallo, qui conduisait la moto, a reçu un violant coup à la tête.
Le même jour, 17 mai, selon le PDG d'AfricVision, Sanou Kerfala Cissé, une équipe de gendarmes se réclamant de l’Autorité de Régulation des Postes et Télécommunications (ARPT), l’organe de régulation des fréquences audiovisuelles en Guinée, est allée démonté les émetteurs et les équipements de Sabari FM et Love FM, appartenant à la société AfricVision, et partir avec.
Toujours dans le même jour, plusieurs réseaux sociaux ont été censurés en Guinée. Facebook, Messenger, WhatsApp, TikTok, YouTube ou encore Instagram n'étaient accessibles que par VPN.
Le lendemain, le 18 mai, la sortie du ministre des Postes, des Télécommunications et de l'Économie numérique et par ailleurs porte-parole du gouvernement n'a fait qu'empirer les choses. Faisant le compte-rendu du Conseil des ministres tenu ce jour-là, Ousmane Gaoual Diallo a déclaré : « Nous avons été surpris d’apprendre des allégations affirmées par un média de la place, Sabari FM, d’une certaine irruption dans leurs locaux des agents qui se réclameraient de l’Autorité de Régulation des Postes et Télécommunications (ARPT). Jusqu’à preuve de contraire il n’y a aucune once de vérité dans ça. Nous attendons aussi que le média en question nous apporte les éléments dont il dispose pour corroborer ses informations ».
Quant à la censure des réseaux sociaux, Ousmane Gaoual, s'est défendu en ses termes : « Ce n’est pas l’ARPT qui gère la connexion internet en Guinée mais plutôt la GUILAB (la Guinéenne de large Bande, ndlr). En temps réel, nous savons si une panne survient et qui fait en sorte qu’il y a une restriction des capacités, cela arrive. Sauf que dans notre pays, chacun y va dans son commentaire, on aime lier tous les évènements et chacun y va en conjecture pour raconter ce qu’il veut. Nous savons parfaitement ce qu’il y a. Je vais vous dire simplement que si le gouvernement prend la décision de fermer internet (Facebook, WhatsApp), il le fermera et il assumera les conséquences ».
En outre, Ousmane Gaoual Diallo a ajouté que le gouvernement n'hésiterait pas à fermer toute radio, télé ou encore un site internet qui « inciterait à la haine ».
Une sortie qui a fait déborder le vase...
Face à ces différentes atteintes à la liberté de la presse et de l'expression, le tolet a été général. Le 18 mai, les associations professionnelles de presse, dans une déclaration, ont condamné les agissements contre la liberté de la presse. L'Association des Blogueurs de Guinée (ABLOGUI) va plus loin, après avoir condamné, a menacé de porter plainte contre les auteurs de la censure des réseaux sociaux.
Après la phase des condamnations, place aux actions de riposte
Au sortie d'une réunion, le 22 mai, les associations professionnelles de presse et le syndicat de la presse ont décidé de prendre plusieurs mesures qui sont entres « déclarer à partir [du] lundi 22 mai 2023, le ministre Ousmane Gaoual Diallo, “ennemi de la presse guinéenne”; le boycott à partir de ce jour de toutes les activités du gouvernement et les autres organes de la Transition jusqu’à la levée de toutes les restrictions ; une Journée sans presse le mardi 23 mai 2023 (de 5h à 00h); le boycott de la Semaine Nationale des Métiers de l’Information et de la Communication (SENAMIC) ; une marche de protestation le jeudi 1er juin 2023 sur toute l’étendue du territoire national ».
Toutes ces mesures, à part la marche de protestation programmée pour le 1er juin, ont été observées à la lettre par les journalistes jusqu'au vendredi 26 mai 2023. Ce jour, le groupe AfricVision a annoncé que les émetteurs de ses deux stations de radio ont été restitués par l'ARPT. Aussi, l'accès aux principaux sites internet d'information est revenu à la normale. La restriction des réseaux sociaux a aussi été levée.
Suspension des actions contre le gouvernement de transition
Après la satisfaction de leurs points de revendications, les associations professionnelles de presse et le syndicat ont suspendu leurs actions contre le gouvernement de transition, notamment la marche pacifique qui était projetée pour le 1er juin 2023. Ils ont levé aussi toute les mesures qui concernaient le gouvernement et les institutions de la transition. Les acteurs de la presse et de la liberté d'expression restent toutefois vigilants quant aux éventuelles mesures restrictives que la junte au pouvoir pourraient restaurer.